CHAPITRE X

Donal regarda Karyon monter en selle. Malgré sa taille, il eut du mal à atteindre l’étrier, mais il parvint à se hisser sur le dos de son étalon gris.

— Tu as l'air épuisé, dit-il à Donal. Tu t'en es remis à la bouteille, hier soir ?

— Non, dit Donal. Je n'ai pas dormi.

— Moi non plus, avoua le Mujhar. ( Il jeta un coup d'œil vers le cheval bai qui piaffait devant eux. ) Ainsi, tu emmènes ton nouveau serviteur.

— C'est l'occasion pour lui de savoir ce qu'est une Citadelle. Mais que fait Aislinn ?

— Elle retarde le moment autant qu'elle peut.

— Elle a dit qu'elle était d'accord.

— Oui. Avant de savoir pour Sorcha et le petit.

Donal sentit son estomac se nouer.

— Elle vous a donc dit comment elle l'a découvert...

— Oui, dit Karyon, sans sourire. Elle n'est pas... très contente. ( Karyon regarda son héritier en face. ) Nous ne nous sommes jamais menti, Donal. Nous savions qu'un jour, nous en arriverions là. Même quand Sorcha et toi commenciez à vous rapprocher... tu le savais.

— Oui. Mais je vous assure que je n'avais pas l'intention d'insulter votre fille.

— Je le vois bien, dit Karyon. J'aime ma fille, et je voudrais lui épargner la souffrance. Mais je ne veux pas non plus m'élever contre les coutumes cheysulies.

( Il baissa. les yeux sur ses mains tordues. ) Aislinn m'a dit qu'elle voulait rompre les fiançailles. Malgré ses larmes et sa fierté blessée, j'ai dû refuser. Je n'ai pas le choix.

— Je ne doute pas qu'il soit difficile à un jehan de ne pas accorder ce qu'il désire à son enfant.

Le sourire de Karyon était ouvertement sarcastique.

— Oui. Tu l'apprendras bientôt. Ian est presque en âge de faire connaître ses besoins et ses désirs.

— Je suis désolé, Karyon, dit Donal, sincère. J'aurais préféré lui épargner cela, s'il y avait eu un autre moyen.

— Je le sais. Mais je crois qu'un jour, tu seras confronté à un choix. ( Il fit un signe de tête vers les marches dé marbre. ) Et voici ma fille.

Un des garçons d'écurie lui amena sa jument.

La chevelure brillante d'Aislinn était tressée et attachée avec une cordelette verte. Ses jupes vert foncé étaient relevées pour lui permettre de chevaucher plus aisément et elle portait des bottes montant jusqu'aux genoux.

— Partons-nous ? Finissons-en avec cette comédie.

Donal sentit son malaise malgré ses paroles hautaines. Elle n'était qu'une jeune fille effrayée qui essayait de se rassurer. Il comprenait très bien pour avoir fait de même en son temps.

Il se pencha vers elle et lui serra doucement l'épaule.

— Tu t'en tireras bien, tu verras.

— Crois-tu ? Par les dieux... J'ai si peur !

— Il n'y a pas de raison d'être effrayée à la Citadelle.

— Mais... C'est Finn...

— Il est le dernier homme que tu dois craindre. Je te le promets. Si tu veux, j'entrerai dans ton esprit avec lui. Je ne peux pas faire grand-chose, car je manque d'expérience, mais surveiller ce qu'il fait est dans mes cordes. Cela te rassurerait-il ?

Elle le regarda un long moment de ses yeux gris pâle.

— Oui, dit-elle enfin. Je préfère que tu sois là.

— Dans ce cas, j'y serai.

— Partons, dit Karyon. Le plus tôt sera le mieux.

Avant qu'il ait pu éperonner son cheval, Rowan l'appela du haut des marches.

— Mon seigneur ! Attendez ! Un courrier vient d'arriver, avec un message du duc Royce, de Lestra. Je crois qu'il vaudrait mieux que vous preniez connaissance des nouvelles.

Karyon sembla hésiter un instant. Puis il se tourna vers sa fille.

— Aislinn, tu seras en sécurité avec Donal. Tu as entendu ce que le général a dit.

— Tu avais promis de venir avec moi !

— Et je ne peux plus. Le test ne doit pas attendre, et le courrier non plus. ( Sa voix se fit inflexible. ) Je suis désolé.

— Tu ne me donnes pas le choix, accusa-t-elle. Sur aucun sujet !

Elle poussa sa jument vers les portes.

Karyon soupira.

— Sois patient, Donal. Jusque-là, elle n'avait connu que le bon côté d'être ma fille. Maintenant, elle commence à évaluer le prix à payer.

— Je la ramènerai avant la tombée de la nuit.

— Dire qu'après toutes ces années, Finn entre de nouveau en scène... Je crois que cela l'amusera. ( Il eut un bref sourire. ) Bon voyage, Donal. Et hâte-toi de la suivre avant qu'elle t'ait semé !

— Il y a des tentes partout ! dit Sef, s'étonnant des dimensions de la Citadelle.

Les pavillons huilés, teints de brun et de vert et peints d'une myriade de lirs, s'étendaient dans la forêt comme des pousses sur le sol. Quand ils le pouvaient, les Cheysulis laissaient les arbres en place et installaient leurs habitations dans les clairières, sans toucher aux branches et aux lianes. Le mur de granit gris-vert entourait le campement permanent.

— Maintenant, oui, dit Donal. Quand j'étais enfant, il n'y en avait pas tant. Nous vivions près de la rivière Dentbleue, essayant d'échapper aux Ihlinis et à la vindicte de Bellam. C'est une vraie Citadelle, aujourd'hui. Nous avons vécu trop longtemps comme des réfugiés et des hors-la-loi. Mais Karyon nous a donné la liberté de revenir chez nous.

Les yeux étranges de Sef se fixèrent sur Donal.

— Il n'est pas étonnant qu'on chante les exploits du Mujhar dans les récits.

— Mon père est un grand homme, dit Aislinn. Personne ne sera jamais capable de l'égaler.

— Aislinn, dit doucement Donal. Je n'ai pas l'intention d'entrer en compétition avec ton jehan. Et je ne le ferai pas non plus quand je serai sur le trône.

Il se tourna vers les tentes.

— Voici le pavillon de Finn.

— Encore un loup, dit Sef. C'est le père de Lorn ?

Donal sourit à son loup, qui avait grogné de surprise.

— Non. Viens, Sef, dit-il en sautant à terre. Il n'y a rien ici qui puisse te faire du mal.

— Vous m'aviez dit de même au sujet de l'Ile de Cristal.

— Et y avait-il quelque chose ?

— Oui. Mais je ne l'ai pas laissé m'affecter.

Ignorant les superstitions du garçon, Donal gratta au volet du pavillon.

— Su’fali ! appela-t-il. Es-tu là ?

— Non. Je suis dehors, mais j'arrive, répondit Finn en sortant de derrière la tente, Storr à ses côtés.

Le museau du loup avait grisonné un peu, mais, aussi longtemps que Finn vivait, l'animal était à l'abri du vieillissement normal, car la durée de vie d'un lir s'accordait à celle de son guerrier.

A part du gris dans ses cheveux et quelques rides au coin des yeux, Finn n'avait pas l'air assez vieux pour avoir un neveu de vingt-trois ans. La chair de ses bras nus était toujours ferme. Ses bracelets-lir brillaient sous le soleil.

— Tu as été longtemps absent de la Citadelle, Donal. Quel bon vent t'amène ?

— Aislinn..., dit le jeune homme, sentant la tension de la jeune fille.

— Tu es la bienvenue. Meghan sera contente de te voir.

— Non, je ne suis pas venue voir Meghan. Je suis là parce que Donal me l'a fait promettre.

— Et tu tiens tes promesses, comme il convient à une princesse. Ce n'est donc pas une visite de politesse.

— Non, dit Donal. Aislinn, comme tu le sais, est restée un certain temps avec Electra sur l'Ile de Cristal. Son esprit a été... altéré.

— Un piège mental ?

La main de Finn se posa sur la tête d'Aislinn avant qu'elle ait pu bouger. Il eut terminé son évaluation en quelques secondes.

— Non. C'est autre chose. Amène-la à l'intérieur.

Aislinn hésita, la terreur se lisant sur son visage.

Donal posa doucement une main sur son épaule. Alors, elle entra dans le pavillon.

Sef recula aussi, pour d'autres raisons.

— Il va invoquer la magie, dit-il. Ce n'est pas ma place...

— Entre, insista Donal. Ce que Finn va faire, je le peux aussi et tu en seras témoin un jour ou l'autre. Autant commencer maintenant.

Il poussa Sef dans la tente, laissant Lorn et Taj échanger des salutations avec les autres lirs.

En tant que chef de clan, Finn avait droit à un pavillon de grande taille. Des fourrures de toutes les textures et couleurs recouvraient le sol. Des tapisseries divisaient l'espace en plusieurs sections. Une d'elles, Donal le savait, appartenait à Meghan, la fille à demi-homanane de Finn.

Soudain, il pensa à sa meijha. Il aurait souhaité être auprès d'elle, et tout oublier. Mais il avait promis, et il ne reniait pas ses promesses.

Aislinn se tourna, comme pour fuir, mais Donal lui barra le passage.

Finn éclata de rire.

— Tu me rappelles un peu Alix quand elle a rejoint le clan. Effrayée, mais pourtant assez fière pour me cracher à la figure. C'est ce que tu aimerais faire, n'est-ce pas ?

— Oui ! Je ne veux pas participer à cela ! Donal prétend que je suis... souillée, que ma mère a modifié mon esprit.

Finn ne sourit pas. Il répondit d'une voix calme et douce :

— Si c'est le cas, petite, nous allons te guérir. Il est inutile d'avoir peur. Tu connais bien Meghan, n'est-ce pas ? Tu dois l'avoir entendue parler de moi.

— Mais... J'ai entendu... tous les autres récits.

— Tous ? J'en doute. ( Il fit un petit sourire et regarda Donal. ) Qui est ce garçon ?

Donal poussa Sef en avant.

— Réponds-lui. Son lir est un loup, mais il ne va pas te dévorer. Pas plus que moi.

Sef avança. Il garda les yeux baissés.

— Je m'appelle... Sef, dit-il.

— Et moi, Finn. Tu ressembles presque à un Cheysuli. Donal t'a-t-il ramené dans ton clan comme j'y ai ramené Alix ?

Le visage pâle du garçon se colora.

— Non, dit-il d'une voix tremblante, je ne suis pas cheysuli.

Finn haussa les épaules.

— Tu en as les cheveux et l'ossature du visage même si tu es trop clair de peau. Peut-être es-tu un sang-mêlé...

Finn s'arrêta. Donal sentit que la taquinerie faisait place à autre chose.

— Peut-être ton fils, su'fali, qui sait !

— Mon fils ?

— Tu n'es pas un prêtre, su'fali ! dit Donal en riant. Sef lui-même dit qu'il ne sait pas qui était son jehan.

— Il n'était pas cheysuli ! déclara Sef d'un ton ferme.

— Ce serait si grave, s'il l'avait été ? Si c'était Finn en personne ?

— Non, dit Sef, les yeux fixés sur Finn.

— Non, confirma Finn. Mais revenons-en à Aislinn. Assieds-toi, petite. Je vais faire ce que je peux.

— Donal a essayé, dit-elle, et il n'est arrivé à rien.

— Je ne suis pas Donal, et j'ai plus d'expérience avec les pièges mentaux ihlinis. Tynstar et ta jehana en avaient préparé un pour moi. Ils ont failli me tuer. ( Il étudia le visage anxieux de la jeune fille. ) J'ai survécu, même si autre chose a péri.

Aislinn sursauta.

— Qu'est-ce qui a péri ?

— Un vœu, dit Finn. Nous avons brisé notre vœu d'allégeance, ton jehan et moi, parce qu'il n'y avait pas d'autre solution. Mais je doute que ta mère ait fait quelque chose que je ne puisse pas défaire. N'aie pas peur. Reste tranquille et oublie les histoires que tu as entendues.

Sans mot dire, Donal s'assit à côté d'Aislinn. Il regarda Finn poser ses mains sur le visage de la jeune fille.

Il passa doucement les doigts sur son front, ses paupières, son nez. Puis il emprisonna son crâne entre ses paumes.

Pendant un long moment, il regarda son visage blanc aux paupières étroitement closes. Puis il jeta un coup d'œil à Donal.

— Viens-tu ?

— Oui, su'fali.

— Rejoins-moi, dit-il.

Son visage se détendit. Ses yeux devinrent vagues. De toute évidence, Finn était ailleurs.

Donal savait ce qu'il faisait. Il était en train de puiser le pouvoir de la magie de la terre, de le canaliser jusqu'à ce qu'il le dirige sur Aislinn, pour localiser le réseau d'interférence ihlini.

Donal inspira profondément et se glissa avec précaution dans l'union mentale. Il se sentit aspiré par un vide infini. La puissance de la terre menaçait de l'engloutir.

II la repoussa, gardant sa conscience de lui-même et de ce qu'il faisait. Lentement, la puissance recula et lui laissa la place de se mouvoir. Il chercha et trouva la présence de Finn dans le vide, la riche étincelle qui était l'essence de son oncle.

Su'fali, dit-il.

Finn lui retourna le salut. Ensemble, ils évalueraient les résidus de sorcellerie qui se tapissaient dans l'esprit d'Aislinn, et ils l'en libéreraient.

Ici, dit Finn dans l'immensité de leur lien.

Donal le vit. Prise dans les innombrables fils qui étaient le subconscient d'Aislinn, une masse d'obscurité pulsait. Elle avait l'air aussi ténue que le reste du réseau, mais Donal savait que ce n'était pas le cas. La toile tissée par Tynstar devait être aussi solide que le câble le plus résistant.

Doucement, dit Finn. Le piège doit être désarmé avec précaution, sinon il risque de nous attraper.

Donal se glissa plus près du piège mental. Il se prépara à prêter à Finn toute la force dont il disposait...

... Et souffrit soudain du déchirement d'une union mentale brisée.

Donal pensa un instant que cela avait quelque chose à voir avec Aislinn, qu'il s'agissait d'une forme de sorcellerie, mais il sentit le contact d'une main sur son épaule.

Il entendit vaguement le cri d'Aislinn. Finn jura.

Il se retourna, furieux.

— Toucher un Cheysuli impliqué dans un lien mental...

Il s'interrompit en voyant comment Sef s'était affalé sur la fourrure, derrière lui. Le garçon frissonnait et sa bouche s'ouvrait comme s'il ne pouvait plus respirer.

Il l'attrapa juste avant qu'il bascule dans le feu.

Le prince porta son regard sur Aislinn et Finn. D'après les yeux de son oncle, il comprit qu'il n'avait pas rompu le lien mental avec Aislinn, mais sa brusque retraite les avait affectés.

Donal prit Sef dans ses bras et parvint à quitter le pavillon. Les oreilles bourdonnantes, il se sentait malade.

Il posa le garçon contre un arbre, puis s'assit à côté, la tête sur les genoux, essayant de reprendre la maîtrise de ses sens.

Lir?

C'était Lorn, dont le museau poussait le coude de Donal.

Il leva la tête, tandis que Sef se redressait aussi.

Un lien mental rompu, dit-il. Sef m'a touché.

Tu aurais dû le prévenir, lir.

Oui, reconnut Donal. C'est ma faute.

Le sang revint au visage de Sef. Il cligna des yeux et se massa les tempes. Puis il tenta de se lever.

— Non, dit Donal. Reste tranquille. Tu te souviens de ce qui s'est passé ?

— J'avais l'impression de me noyer... D'être aspiré, ou enterré vivant... Etait-ce la magie que j'ai sentie ?

Donal chercha la meilleure façon de lui expliquer.

— Sef, tu as agi par ignorance. Je comprends. J'aurais dû te prévenir de ne jamais toucher un guerrier quand il est entré dans l'esprit d'une autre personne.

— Qu'aurait-il pu se passer ?

Donal se frotta les yeux.

— Beaucoup de choses, suivant la gravité de la rupture... En me touchant, tu as aussi gêné Aislinn et Finn. Tu aurais pu faire du mal à tout le monde et à toi.

— Oh, mon seigneur, je suis désolé...

Donal lui posa une main sur l'épaule.

— Ne t'inquiète pas. Je ne pense pas qu'il y ait eu des dégâts permanents.

— J'avais si peur... dit Sef.

— Il n'y a pas à avoir honte. La peur nous frappe tous, à un moment ou un autre.

Lorn était toujours appuyé contre le flanc de Donal.

Le garçon n’est pas seulement effrayé, dit-il. Il y a... autre chose.

L'enfant est-il un sang-mêlé ?

Je ne saurais dire. Peut-être... Je le laisse entre tes mains.

Lorn retourna sur le tapis qu'il partageait avec Storr, devant la tente de Finn.

Sef regarda Donal.

— Vous êtes différent, dit-il. Vous ne me traitez jamais comme un enfant, comme si je ne méritais aucun égard. Les autres le font souvent.

Donal sourit.

— Je suis peut-être habitué à ce qu'un jeune garçon me pose des questions. J'ai un fils, vois-tu, qui a dix ans de moins que toi.

— Un... fils ? Je pensais que vous deviez épouser la princesse !

— Oui. Mais j'ai une meijha cheysulie, qui m'a donné un fils.

— Je ne savais pas, dit Sef en fronçant les sourcils.

Donal sourit.

— Cela a-t-il de l'importance ? Tu es toujours mon serviteur, n'est-ce pas ?

— Et votre fils ?

— Ian est trop jeune. Il se passera des années avant qu'il puisse me servir comme tu le fais.

Il remit Sef sur pied en le tirant par les mains. Ce faisant, il aperçut autour de son poignet un mince bracelet de plumes marron, dorées et noires.

— Qu'est-ce donc ?

Sef recouvrit vivement le bracelet avec sa manche.

— C'est... un charme. Je suis allé voir une vieille femme qui fait des amulettes et des philtres d'amour. Je lui ai dit que j'avais peur des Cheysulis, et elle m'a donné cela. Avez-vous honte de moi ?

— Oui, si tu lui as remis toutes les pièces que je t'ai données, dit Donal sèchement.

— Oh, non, fit Sef. Seulement la moitié.

— Très bien, dit Donal en se retenant de rire. Mais tu n'as pas besoin de ce colifichet. Puis-je l'enlever de ton poignet ?

— Non ! dit Sef en reculant. Je sais que je n'ai rien à craindre de vous, mais de tous les autres ?

Donal soupira.

— Très bien. Garde-le, tu te sentiras ainsi à l'abri de la sorcellerie cheysulie... Tu peux rester ici si tu veux, ou aller te promener. Mais ne reviens pas dans la tente.

Donal écarta le rabat et entra.

Aislinn était évanouie.

Il se pencha vers elle.

— Elle va bien, dit Finn. Ce n'est que le contrecoup.

La tension avait gravé de nouvelles rides sur son visage. Comme Karyon, il avait autrefois été touché par Tynstar. Cela se voyait de temps en temps à son apparence ou à ses réflexes plus lents. Mais il n'avait pas perdu autant d'années que Karyon.

— Cela a été... difficile.

— As-tu détruit le piège mental ?

— Il n'y en avait pas. Pas comme je les connais. Il y avait quelque chose, que tu as vu comme moi. Mais ce n'est pas l'œuvre de Tynstar. Je pense qu'Electra a pratiqué une forme de magie sur Aislinn. Il y avait un écho, un... vestige, mais je n'ai pas pu l'attraper. C'était trop... vague. Et, quand le garçon a rompu ta partie du lien... ( Il haussa les épaules. ) Je suis persuadé qu'Aislinn a été ensorcelée pour mener à bien les plans d'Electra, mais je crois avoir mis fin à cela.

— J'espère que tu en es sûr, su'fali, dit Donal. Je n'ai pas envie d'épouser une femme qui souhaite ma mort.

— Je crois que tu peux être tranquille de ce côté-là, même si Aislinn a des raisons de ne pas t'apprécier outre mesure. ( Il changea abruptement de sujet. ) Qui est ce garçon ?

— Un orphelin des rues. Je l'ai trouvé à Hondarth. Il m'a supplié de le laisser venir avec moi quand je lui ai rendu un service, et j'ai accepté. Pourquoi ? Penses-tu qu'il pourrait vraiment être ton fils ?

— Je n'en exclus pas la possibilité. Ce qui ne veut pas dire que je suis sûr qu'il l'est.

— Non, dit Donal Mais... pourquoi ? Si sa peau était plus foncée, il pourrait être un des nôtres. Seulement, il n'a pas les yeux jaunes.

— Alix non plus. Ainsi que nombre de sang-mêlé. C'est peut-être mon fils, peut-être pas. Il y a quelque chose de familier à son sujet, mais cela na pas d'importance. Le moment venu, il sera sans doute un loyal compagnon pour toi.

— J'ai mes lirs. Ils me suffisent amplement.

— Oui. Mais tu auras aussi Aislinn. C'est étrange comme elle ressemble à ses deux parents, sans vraiment leur ressembler. Si elle était blonde au lieu de rousse, elle serait le portrait d'Electra.

— Non. Elle a peut-être ses traits, mais pas son caractère.

— Donal, je sais ce qui t'attend, maintenant que tu es forcé de l'épouser. Mais tu es le fils de Duncan. Je suis persuadé que tu en auras la force.

— Tu crois ? Je ne suis pas mon jehan, même si j'aimerais lui ressembler. J'ignore si je partage son dévouement.

— Il n'est pas né avec. Il l'a appris. Le moment venu, tu apprendras aussi. ( Il désigna l'entrée de la tente. ) Va voir ta meijha. Tu lui dois un peu de ton temps.

— Aislinn ?

— Je la garderai auprès de moi.

Donal sentit la culpabilité l'envahir.

— Je te remercie, su’fali. Tout ça est aussi difficile que tu me l'avais dit jadis...

La cicatrice de Finn se déforma quand ses mâchoires se serrèrent.

— Même si je ne suis pas ton jehan, je t'apporterai toute l'aide possible. Mais ce fardeau est le tien. Va voir ta meijha. Je t'accorderai autant de temps que possible.